Le roi du Royaume-Uni a visité ce vendredi 22 septembre un domaine du Bordelais pratiquant la biodynamie dont il est un ardent promoteur.
Dans son programme chargé, le roi a fait halte ce vendredi 22 septembre midi dans le Bordelais, pour une visite du château Smith Haut Lafitte. Le choix de domaine qui produit un grand cru Pessac-Léognan n'a rien d'un hasard : il est connu pour être un des grands noms de la viticulture biodynamique dans la région, louée ouvertement par Charles depuis des années.
Héritée de la philosophie anthroposophique de Rudolf Steiner, un courant de pensée ésotérique, la biodynamie est une pratique agricole surtout utilisée dans la viticulture, même si elle y demeure très marginale. Comme nous l'écrivions dans un article en 2019, consacré aux vifs débats que suscite la pratique, le degré d'adhésion des exploitants en biodynamie aux préceptes steineriens est largement variable. Il va de l'adhésion assumée à une implication nettement plus distanciée pour certains, qui revendiqueront une approche «concrète».
Florence Cathiard, propriétaire avec son mari du domaine château Smith Haut Lafitte, évoque d'ailleurs une biodynamie, «mais sans le volet mystique». La pratique est devenue un véritable label pour les consommateurs, sans forcément non plus que cela traduise une connaissance des thèses de Steiner, et encore moins une adhésion à ces dernières. C'est précisément là que se niche le danger, selon les détracteurs de la biodynamie, qui la décrivent comme le cache-nez tendance du mouvement anthroposophique.
Une position qu'on retrouve par exemple dans un tweet de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) daté de février 2022 : «Ce qu'on vous dit sur la biodynamie : une méthode agricole biologique et saine. Ce qu'est la biodynamie : une méthode d'agriculture et de viticulture ésotérique controversée dans le milieu scientifique et liée à l'anthroposophie.»
Un sens du sacré
La virée royale bordelaise a sans surprise été remarquée (et largement déplorée) par les contempteurs de la biodynamie. Sur Twitter (renommé X), Cyril Gambari, docteur en microbiologie, s'est fendu d'une série de messages assassins : «A l'occasion de la venue de son altesse sérénissime Charles III, je voulais vous rappeler que le roi anglais est un des plus grands promoteurs de la pensée de Steiner dans le monde…»
Et le biologiste de rappeler le discours de l'alors prince de Galles, en 2016, en ouverture de l'association de l'agriculture biodynamique en Italie. Il y expliquait ne pas pratiquer au sens strict l'agriculture biodynamique dans sa ferme de Highgrove, mais s'inspirer des principes de Steiner. Il enjoignait de retrouver une harmonie avec la nature et de restaurer un sens du sacré.
L'attrait de Charles pour la biodynamie n'est qu'un aspect d'une inclination, plus générale, vers les pseudosciences et les médecines alternatives. Comme l'écrivait l'Express en septembre 2022 dans un article basé sur le livre Charles, the Alternative Prince (non traduit) du chercheur Edzard Ernst, le roi a baigné depuis son plus jeune âge entre l'homéopathe attitré que sa mère Elisabeth II a longtemps maintenu près d'elle, et la sympathie plus globale de sa famille pour la pratique. Pour autant, feu la souveraine n'a jamais pris position publiquement, contrairement à son fils.
Lavements au café
«Parmi les médecines alternatives, cinglait Edzard Ernst auprès de l'Express, certaines peuvent parfois avoir un intérêt, mais Charles, lui, s'est toujours entiché des pires théories qui soient.» Le roi se serait le seul à s'être essayé à l'aromathérapie (une branche de la phytothérapie traitant entre autres les maux à l'aide d'huiles essentielles), l'iridologie (diagnostics à partir de l'iris des souffrants) ou encore à la «thérapie de Gerson», un dangereux régime à base de plantes censé guérir le cancer.
En 2004, le prince Charles avait soutenu l'efficacité de cette cure qui remplace la chimiothérapie par 13 jus de fruits par jour, des lavements au café et des injections hebdomadaires de vitamines devant 200 professionnels de la santé.
Divers articles racontent comment il a usé de sa position au sein de la famille royale pour se faire le lobbyiste des pratiques alternatives, parfois directement auprès du gouvernement ou de la sécurité sociale britannique. En 2010, il déclarait : «J'ai été accusé une fois d'être l'ennemi des lumières. Et j'en suis fier.»
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