Dans une petite boutique du 6ème arrondissement de Paris, des bijoux multicolores font le bonheur de quelques acheteurs. « Parmi les pierres les plus populaires, on retrouve souvent la labradorite, la pierre de lune ou la turquoise », explique la commerçante. Derrière le comptoir, un livre recensant les « vertus » de chaque minéral reste à portée de main pour conseiller les clients. Les bijoux exposés sont ornés de pierres jaunes, vertes ou noires, à des prix défiant toutes concurrence : n'importe qui peut se procurer une bague pour une grosse dizaine d'euros. De quoi attirer une clientèle jeune avec un budget parfois limité.
C'est ici que Maxime, 23 ans, a acheté ses bijoux. Pour leur aspect esthétique ? Pas seulement. « Je cherchais vraiment à me connecter à mes émotions, à retrouver de la positivité », détaille le jeune journaliste. « Sur ma bague, c'est une onyx : c'est censé donner du courage et me faire moins cogiter, pour me pousser à foncer dans mes projets. »
Des pierres et des cristaux capables d'influencer son porteur : c'est ce que prône la lithothérapie, une pratique qui refait surface et qui connait un regain de popularité sans précédent grâce aux réseaux, sans pour autant être une science validée par les experts. Elle s'inscrit dans un mouvement plus large de recherche d'apaisement et de bonne santé, nourrissant les réseaux sociaux de nombreuses vidéos vantant ses supposés bienfaits. Des influenceuses comme la belge Silent Jill, mais aussi Enjoy Phoenix, en assurent ou en ont assuré la promotion.
« J'en entendais énormément parler sur les réseaux »
Pour Manon, c'est sur Tiktok que tout a commencé. À 17 ans, la jeune fille originaire de normandie tombe sur des vidéos évoquant les pouvoirs de certaines pierres. « Quand j'étais en 3e, je me suis intéressée à la lithothérapie parce que j'en entendais énormément parler sur les réseaux. J'ai fait quelques recherches de mon côté, puis je me suis achetée un livre dessus. »‼
Elle s'achète d'abord un pendule orné de plusieurs pierres, avant de se concentrer sur des minéraux spécifiques. Elle a longtemps favorisé l'aventurine, censée régénérer la peau et diminuer les traces d'acné, ou la citrine, qu'elle a porté « pour le Brevet, parce que ça encourage la réussite aux examens ».
La passion se transforme parfois en métier. Preuve en est avec Kelly, qui a découvert plus jeune les pierres dans une petite boutique du Vieux Nice. Aujourd'hui âgée de 23 ans, elle travaille dans ce même magasin : « Ma première pierre, c'était une petite améthyste violette. Mon futur patron m'avait aiguillé sur la signification des pierres, et à partir de là, j'en ai acheté de plus en plus. »
Elle se lance sur Tiktok pour « partager ses connaissances » et, surprise par le retour positif sur la plateforme, continue de publier des vidéos. Un bénéfice double, puisque le compte permet à Kelly de présenter les produits de la boutique tout en élargissant son contenu à d'autres pratiques « spirituelles ».
Des croyances très fortes
La lithothérapie partage de nombreux points communs avec d'autres pratiques ésotériques. Pour Kelly aussi, la pratique de la lithothérapie s'accompagne d'autres centres d'intérêts : « Au début, je faisais des vidéos uniquement sur les pierres. Mais maintenant, je parle aussi de tarot, d'oracles, ce qu'on pourrait appeler aussi le paranormal. » « J'ai trouvé tellement de contenus en lien avec la sorcellerie, les énergies… C'est redevenu très à la mode chez les gens de mon âge, » estime de son côté Manon.
« Dès lors qu'une preuve individuelle que ça marche est trouvée, la croyance s'installe »
Romy Sauvayre
Effectivement, il suffit de cliquer sur quelques vidéos sur les pierres en ligne pour se retrouver inondé de conseils sur le tirage des cartes de tarot, la préparation de sorts ou encore la construction de son thème astral. Avec souvent le même objectif : mettre la personne au centre des préoccupations autour de son bien-être et de son auto-réalisation.
Rien de surprenant pour Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances au CNRS et maître de conférences à l'Université Clermont-Auvergne. « Les origines contemporaines de la lithothérapie remontent aux années 60, avec le mouvement New Age. C'est perçu comme un moyen d'améliorer sa santé, son bien-être et son quotidien. » Les jeunes seraient d'autant plus propices à adhérer à ce type de croyances car ils n'ont pas toujours le recul ou la culture scientifique nécessaire pour réfléchir dessus.
« Quand on regarde le parcours de ces personnes, ça commence très jeune. Il y a ce qu'on appelle une phase d'expérimentation, et dès lors qu'une preuve individuelle que ça marche est trouvée, la croyance s'installe », détaille la sociologue.
Le risque des fausses informations scientifiques
Au-delà du mécanisme de la croyance, y a-t-il une chance que les pierres soient réellement dotées de pouvoirs propres ? « Rien n'a été prouvé scientifiquement, » tranche Christian Chopin, directeur de recherche émérite au CNRS et rattaché au labo de l'École nationale supérieure en géologie. « C'est ce que j'appelle de la pensée magique, il n'y a pas d'énergies qui se dégageraient des pierres, ou alors on parle de radioactivité, mais ça n'a rien à voir avec les minéraux que vous trouvez dans le commerce ! »
Pour lui comme pour Romy Sauvayre, l'aspect esthétique des pierres entretient une « aura de mystère », lié à la présence des minéraux dans la vie humaine depuis des siècles.
« Si la personne arrête la médecine conventionnelle, là, il peut y avoir danger »
Romy Sauvayre
En apparence inoffensive, la lithothérapie pose cependant question quand elle déborde dans un système de croyances à contre-courant de la médecine conventionnelle. Le géologue a déjà été contacté par une avocate démunie face à l'évocation des supposés pouvoirs des pierres. Quant à Romy Sauvayre, elle met en garde contre « une forme de radicalité » dont certaines pratiques ésotériques peuvent précipiter la création. « Si la personne arrête la médecine conventionnelle, si elle propage à son tour des fausses informations, là, il peut y avoir danger. »
Sur Tiktok, les plus jeunes sont donc particulièrement confrontés à des contenus potentiellement frauduleux, sans aucune vérification scientifique préalable ou alerte quelconque.
« Chacun est libre de croire ce qu'il veut »
Pour Kelly, la lithothérapie reste une pratique qu'elle intègre pleinement à son quotidien : « J'entends parler d'effet placebo, mais j'ai ressenti des effets en travaillant avec les pierres. Au final, chacun est libre de croire ce qu'il veut, en tout cas c'est ce qui marche pour moi. » Maxime est quant à lui partagé sur la question. « Je crois à l'auto-persuasion, donc dans un sens, je pense que ça marche, » explique le jeune homme. « Il y a une autre partie de moi qui n'y croit pas. Dans un cas comme dans l'autre, ça me fait du bien, et je partage ça avec des amis, qui me donnent à leur tour leur interprétation des pierres. »
« Dans ma campagne, je n'en parlais pas vraiment, on m'aurait pris pour une sorcière ou une hippie mangeuse de graines »
Manon
La pratique semble en tout cas se décomplexer de plus en plus chez les plus jeunes. Plus concentrée sur sa religion, Manon s'est distancée de la lithothérapie, mais elle constate un engouement très fort chez certaines de ses amies. « Dans ma campagne, je n'en parlais pas vraiment, on m'aurait pris pour une sorcière ou une hippie mangeuse de graines », plaisante l'adolescente.
« Mais je connais des filles, et des garçons aussi, qui portent des pierres sur eux, qui s'intéressent à la sorcellerie, etc. Il faut croire que c'est toujours populaire. » Le phénomène ne semble donc pas s'essouffler, et reste dans le radar de la Miviludes, qui pointait encore cette année les dangers de certaines médecines alternatives.
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